Le Val d’Aoste

Ce texte est la réédition de ce que j’avais écrit il y a quelques temps.


Les Vins du Val d ’Aoste


« Si le vin est divin, c ’est sur, c ’est le Cornalin ;
S ’il est bien frais et doux, c ’est le Petit Oriou ;
S ’il est prisé, c ’est lui, le Mayolet ;
Crois-moi, ami du vin, regarde pas loin ;
Respecte des cépages, ne bois que du bon vin. »
(Auteur inconnu)

1.      Introduction

Le Val d ’Aoste, région autonome italienne enclavée dans les Alpes, abrite la plus petite région viticole transalpine, à peine 600ha. Si l ’aura des vins valdotains ne dépasse que rarement les cimes alpines, leur intérêt peut atteindre les papilles des curieux que nous sommes.

Le vignoble s ’étend sur 85km, de Courmayeur à Donnas, non loin du Piémont. Il se subdivise en 3 sous-régions :

  • La Valdigne, ou Vallée Haute, où l ’on trouve les vins de Morgex et La Salle, jusqu ’à 1200m d ’altitude!
  • La Vallée Centrale : Autour de la ville d ’Aoste, certains des plus grands vins valdotains y sont produits.
  • La Basse Vallée : Autour de Donnas, cete partie du vignoble où l ’on retrouve de plus en plus le Nebbiolo cher au célèbre voisin piémontais.

2. Géographie, climat et géologie du vignoble

La particularité du Val d ’Aoste est d ’être extrêmement encaissé entre les diverses chaînes de Montagnes, ne laissant qu ’une mince bande de vallée, où la Doire Baltée (rivière traversant la région du nord au sud), l ’homme et l ’industrie prennent place. A cause de ceci, les vignes se sont toujours développées à flanc de coteaux, à une altitude variant de 300 à 1200m.

Sur les 600ha de vignes, plus de 200ha sont plantés sur des terrains dont la déclivité dépasse les 30% et plus de 150ha sont plantés dans des terrasses, ce qui donne près de 60% du vignoble non mécanisable, vous comprendrez aisément la difficulté de travailler ces sols.

La région jouit d ’un climat continental, étonnement chaud et sec pour cette altitude, qui permet à la vigne d ’avoir un cycle végétatif long(certains vins, non surmûrs, sont récoltés fin octobre) sans trop de problèmes d ’humidité. Le pendant négatif est qu ’il est obligatoire d ’arroser les vignes, du moins les jeunes vignes, tellement le sol est sec. Si l ’arrosage est « tabou » en France, il est clairement omniprésent dans cette contrée : la moindre pelouse publique en altitude est munie de son arrosoir automatique (les eaux des glaciers proches font qu ’ils ne sont guère en pénurie d ’eau ces de par là-bas). Le caractère sec de la région est dû aux chaînes de montagnes, qui ne laissent pas passer les nuages : Aoste est entouré du Mont Blanc, du Mont Rose, du Cervin et du Grand Paradis.

Au niveau des sols, inutile de dire que la montagne joue encore un rôle prépondérant. La transformation des roches primaires a donné dessols calcaires, peu structurés avec des sables de quartz dans certains endroits. Plus bas dans la vallée, le sol est plus argileux, donnant des vins plus riches.

3. Histoire, le vin dans la société

La viticulture est certainement arrivée avant les Romains, comme en attestent des restes d ’amphores datées du 5ème siècle AC. Après avoir connu des hauts et des bas, la vigne prend son essor au Moyen-Âge avec l ’avènement de la culture des cépages autochtones que nous connaissons ; elle connaîtra un pic au 19ème siècle avec  plus de 3000ha cultivés, avant de connaître un fort déclin suite à l ’industrialisation outrancière de l ’Italie du Nord, et spécialement du Val d ’Aoste avec ses vallées connexes aux forts accents miniers.

exemple de terrasses en friche suite à l ’arrêt de viticulture…

Les coopératives ont fortement participé à sauver la viticulture dans la région, que ce soit en permettant de réaliser et commercialiser les vins, mais aussi et surtout en sauvegardant l ’exceptionnel patrimoine de vignes qui à tendance à disparaître. De fait, les coopératives prennent le raisins de cultivateurs qui ont à peine 2-300pieds de vignes, mais qui préservent les terrasses de la friche. Il faut savoir que plus de 67% des viticulteurs ne possèdent pas plus de 0,2ha, et 3% seulement dépassent l ’hectare (beaucoup reversent dans les coopératives).
Il est très intéressant de remarquer que tous ces cultivateurs, et d ’ailleurs tous les valdotains, ont une vraie passion de leur terre, à laquelle ils donnent beaucoup d ’attention et qu ’ils essaient d ’exploiter au mieux (à chaque maison son -beau- potager).

Le vin du Val d ’Aoste est fort ancré localement, et s ’exporte fort peu d ’ailleurs, même en Italie… Il est d ’ailleurs comique de remarquer que même dans le Val de Cogne voisin, le vin valdotain ne trouve pas place dans la gastronomie ; ce qui renforce l ’idée que chacun est fier de son hameau (frazione) et que l ’on quitte difficilement ce schéma.

4. Types de vins rencontrés

Dans ce chapitre, les diverses DOC et cépages seront traités. Pour les non-connaisseur, le Val est difficile à appréhender directement avec les différentes DOC (que ce soit de cépage ou de lieu) et les différents cépages autochtones.

DOC

Les vins sont nommés sous la DOC « Vallée d ’Aoste », et peuvent avoir une sous-mention géographique ou de cépage, à savoir :

géographique, 7 appellations :

Blanc de Morgex et de la Salle

Enfer d ’Arvier

Torrette

Nus

Chambave

Arnad-Montjovet

Donnas

cépage, 15 appellations :

Chardonnay

Cornalin

Fumin

Gamay

Mayolet

Merlot

Müller-Thurgau

Nebbiolo

Petite Arvine

Petit Rouge

Pinot Gris

Pinot Noir

Premetta

Syrah

Je vais parler un peu plus de quelques sous-appellations, que j ’ai eu l ’occasion de connaître un peu plus, que ce soit de cépage ou de terroir.

Blanc de Morgex et de La Salle

Cette appellation, une des plus haute d ’Europe, n ’autorise comme cépage que le Prié Blanc (autochtone) et seulement planté franc de pied. Les vignes sont conduites traditionnellement en pergola, souvent soutenues par des pieds en pierre séculaires. La saveur de ces vins est surprenante pour des vins de cette altitude, et est vraiment délicate. Le Prié Blanc est un cépage normalement assez précoce, connu sous le nom d ’Agostenga en Piémont et de Précoce vert à Madère, il ne souffre évidemment pas trop du froid. (certaines vendanges se font sous la neige.)

Enfer d ’Arvier

Appelation entre la Haute Vallée et la Vallée Centrale. Son nom vient de l ’ensoleillement extrême des vignes (et certainement des vignerons, d »où l ’Enfer). Exposition plein sud et pentes extrêmes sont au programme des valeureux vignerons. Les vins doivent contenir minimum 85% de Petit Rouge.

Torrette

Grande appellation, articulée autour du Mont Torrette qui est le coeur de l ’appellation, le Torrette n ’est pas le « grand vin » de la région, avec son assemblage d ’au moins 70% de petit rouge, mais doit donner un vin rouge assez léger, fin et arômatique. Il existe le Torrette supérieur, qui doit au moins avoir 90% de petit rouge et qui peut vieillir en fûts, mais selon C. Charrères, cela dénature le vin en lui donnant une structure un peu déséquilibrée. J ’aime personnellement ce vin délicat mais à la vraie personnalité. Le Petit Rouge est un cépage de la famille des Orious, de maturité assez tardive (troisième époque), il est sensible à l ’humidité.

vue du Mont Torrette, percée en avant de la montagne

Nus Rouge

Appellation à la sortie de la Vallée Centrale. Elle doit au minimum contenir 70% de cépages « locaux » dont au moins 40% de Vien de Nus. Le Vien de Nus est un cousin du Petit Rouge, de la famille des Oriou. Peut-être pas le cépage le plus qualitatif de la famille des Oriou d ’ailleurs…

Nus Malvoisie

Appellation en vin blanc autour de Nus. Le cépage Malvoisie et le Pinot gris s ’y côtoient.

Chambave Rouge

Autre appellation faisant appel au Petit Rouge, à hauteur de 70% au minimum. Les altitudes ici commencent à descendre avec des hauteurs de 350-400m.

Chambave Muscat

Appellation également autour de Chambave dont le seul cépage autorisé est le Muscat blanc à petits grains. Vin d ’apéritif sans prétention, il peut atteindre des sommets de complexité dans la version « Passita » (grappe desséchées en cageot) ou en version type vendanges tardives. Une gourmandise contrebalancée par une certaine acidité.

Arnad-Montjovet et Donnas

Ces 2 appellations, aux portes du Piémont, font la part belle au Nebbiolo et au Fresia. Le Donnas est surnommé le petit frère montagnard du Barolo, mais tout le petit frère de Zidane n ’est pas LE Zidane non plus…

Fumin

Appellation de cépage (qui a d ’ailleurs failli disparaître). Ce cépage rouge , parfois confondu avec le fresia, est uniquement connu dans le Val d ’Aoste, où il a failli totalement disparaître (il n ’en reste pas 30ha). Je trouve beaucoup de classe à ces vins, qui ont à la fois du corps et une certaine acidité (il lui faut 2ans avant de pouvoir être goûté, sinon l ’acidité est bien trop mordante).

Petite Arvine

Un cépage alpin, que l ’on retrouve de l ’autre côté du Grand Saint-Bernard également, il serait d ’ailleurs originaire de Martigny (non, pas de Fully!!). Cépage de maturité assez tardive, de vigueur moyenne, qui demande une très belle exposition pour mûrir.
Ces vins blancs sont déclinés de diverses manières dans la région : les vignerons prennent le choix de faire la malo ou pas et récolter à divers stades de maturité. D ’après mon expérience, ces vins sont surtout intéressant lorsque la malo n ’est pas faite (arômatiquement plus abouti) et surtout lorsqu ’ils ne sont cueillis qu ’à un stade de maturité pas trop avancé, sous peine de produire un vin mou. Ce vin peut être un vin de garde à part entière. Assurément un cépage à ne pas manquer!

Petit Rouge

L ’autre cépage local rouge répandu dans la vallée, qui possède sa propre DOC et intervient dans la DOC Torrette. Ce vin intervenait souvent dans les Zuppe locale. (voir Torrette)

Cornalin

A ne pas confondre avec le Cornalin Suisse, car le Cornalin du Val d ’Aoste porte le nom d ’Humagne Rouge chez les helvètes. Ce cépage donne des vins complexes et de garde, dont le localement célèbre Broblan de la Maison Anselmet. Maturité assez tardive.

Premetta

Nom plus commun du cépage Prié Rouge, parent du Prié Blanc. Principalement cultivé aux alentours d ’Aoste, il donne un vin peu coloré aux arômes floraux. Il est parfois cueilli flétri pour en faire un vin de paille rouge, ce qui peut être très intéressant!

5. Conduite de la vigne et des vinifs

Les vignes sont plantées uniquement en coteaux, souvent dans de très petites parcelles. Si certaines vieilles parcelles sont encore plantées en foule et franches de pieds, la majorité des vignes sont maintenant sur porte-greffes, plantées en rang. La densité des plants ne m ’a pas frappé outre mesure, nous devons en général être sur du +- 5000pieds/ha (7-8000 au domaine des Crêtes).

Qu ’en est-il de la taille? Traditionnellement, les vignes étaient conduites en pergola de +- 1m/1m50 de hauteur, et c ’est encore le cas dans la DOC de Morgex et de La Salle. Pour ce qui est du reste, d ’après ce que j ’en ai vu, divers type de conduites existent, mais la taille en guyot se fait la part belle du vignoble.
Comme déjà dit, il y a un système d ’arrosage partout dans le vignoble, car les jeunes plants ne supporteraient pas les sécheresses des étés arides. Chez certains, seuls les jeunes plants sont arrosés (3ans) et les autres en cas de sécheresse extrême, comme ce fut le cas en 2003 où certaines vignes n ’ont pas passé l ’été.

Traditionnellement, les valdotains n ’ont pas la culture de la barrique de bois, mais celle-ci s ’impose sur certains vins avec plus ou moins de bonheur. Les élevages sont assez courts dans les coopératives, et seuls quelques vignerons ont les moyens d ’élever leurs vins assez longtemps (indispensable sur le Fumin par exemple). Je n ’ai pas discuté du soufre, mais on peut penser que les vins sont généralement assez soufrés, d ’après ce que j ’en ai bu.

6. Le vin dans la gastronomie locale

Il faut distinguer le Val d ’Aoste dans son sens large et dans le sens restreint. Il n ’y a pas une gastronomie pour toute la région mais on distingue diverses zones gastronomiques : la Vallée Basse, le pied du Mont-Rose, le Pied du Grand Saint-Bernard, la Vallée de Cogne, le Pied du Mont-Blanc. Il faut savoir que les vallées connexes telle la Vallée de Cogne ne buvaient pas de vin, aussi je me limiterai à parler de la partie « viticole » du Val.

Montagnarde, la cuisine locale n ’est pas d ’un raffinement extraordinaire, le but premier étant de nourrir son homme. Le vin rouge est souvent compagnon des Zuppe locales, de certaines polenta et du gibier en sauce, tandis que le vin blanc accompagnera les charcuteries et fromages (Mocetta, Fontina, Pis de Vache, …) ainsi que les poissons.

7. Quelques adresses intéressantes

Société agricole Les Crêtes de Charrère & C. S.S. 
Loc. Villetos, 50 11010 Aymavilles (Vallée d’Aoste)
Tel.:  (+ 39) 0165 / 90 22 74
Fax:  (+39) 0165 / 90 27 58

http://www.lescretes.it

Azienda Agricola Anselmet 
Fraz. La Crête 194 – 11018 (Vallée d’Aoste)
Tel.:  (+ 39) 0165 / 95 419

La Vineria di via Sant Anselmo
Via Sant Anselmo, 121 11000 Aosta (Vallée d’Aoste)
Tel.:  (+ 39) 0165 / 61 01 43
vineria@hotmail.it

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