À Uzès, la Truffe : un week-end et une vie

Durant 2 jours, intenses comme la pluie wallonne, j’ai eu la chance en compagnie de 5 autres blogueurs de découvrir la région d’Uzès, terre traditionnelle de la truffe, même si un peu moins médiatique que des villes telles que Richeranche ou Carpentras. Ce court séjour où j’ai constamment été en contact avec les « gens de là-bas » m’a permis, si pas de comprendre, au moins d’appréhender combien ce champignon imprègne les habitants du Village.

Marché de la truffe d'Uzès

Marché de la truffe d’Uzès

Uzès est une petite ville très jolie, sudiste dans l’âme, dont le cœur est sans contexte sa Place aux Herbes, abritant les activités locales, dont le fameux Week-end de la Truffe qui avait lieu ces derniers samedi et dimanche. Si évidemment elle est dépendante du tourisme (le nombre d’habitants explose durant l’été) cette cité est bien loin des « villes musées » que sont Riquewhir ou le Mont-Saint-Michel : différents petites rues, commerces ou artisans ont encore la vraie authenticité qui ne vend pas l’illusoire rêve touristique.

En parfait écho à cette ville, les habitants que j’ai pu rencontrer ont été d’une simplicité et d’un accueil sincère qui m’a étonné, enchanté et même quelque peu ému. L’accueil y est d’un naturel tel que l’on se croyait presque chez de vieux cousins que l’on ne connaît plus trop mais avec qui un lien familial subsiste… et c’est peut-être le lien du bien vivre !

Mary, énergique et accueillante à souhait!

Mary, énergique et accueillante à souhait!

Un peu de culture, de trufficulture !

Avant de la manger, parlons un peu de la culture de la truffe…

Je dis bien culture, car elle ne se trouve plus à l’état naturel depuis longtemps, et les truffières sont intégralement artificielles de nos jours. La raison est assez simple, c’est que les sous-bois ne sont plus économiquement utilisés, parce que les troupeaux ne paissent plus et n’entretiennent donc plus le matériel végétal.

Truffière cultivée

De nos jours donc, les truffières sont plantées d’arbres (surtout des chênes) mycorhizés, donc ensemencés de truffes. Deux visions de la tenue des truffières peuvent être prises lors de la plantation et de la tenue d’une truffière :

  • Soit une méthode plus traditionnelle, moins productiviste ni interventionniste, qui consiste à planter les chênes puis entretenir le terrain et laisser l’arbre grandir à son rythme, sans spécifiquement tailler ou arroser le matériel végétal.  Cette technique moins interventionniste fait que la truffière prend plus longtemps avant de produire, a un rendement plus faible, mais produit pendant plus longtemps (des dizaines d’années)

 

  • Une autre méthode, peut-être plus professionnelle mais qui demande plus de rendement, consiste en l’arrosage des arbres, ainsi que d’une coupe spécifique afin de favoriser la production d’azote, élément très important pour le développement de la truffe.

Plus généralement, un changement ou du moins une inflexion de mentalité du monde de la trufficulture, qui a toujours été très secret mais qui s’ouvre de plus en plus à la Science, permet d’avancer fortement sur les connaissances académiques de ce tubercule et de son fonctionnement.   Grâce à ce travail en synergie, la production passe d’une connaissance empirique à une connaissance scientifique, et les conditions de productions peuvent évoluer avec certitudes, surtout que l’écart temps entre la plantation du chêne et sa production va de 5 à 15ans pour les premières récoltes.

Monsieur Paul, "super trufficulteur"

Monsieur Paul, « super trufficulteur »

Une fois les arbres à maturité, période toujours bien aléatoire, arrive l’heure de la récolte. S’il est possible de caver (chercher la truffe) avec la mouche, le cochon et le chien, seul ce dernier est vraiment utilisé du côté d’Uzès. Contrairement à ce que l’on dit, toutes les races de chiens sont  bonnes pour caver, l’élément le plus important étant leur caractère qui doit être à la fois fidèle et joueur. L’important est de garder la côté ludique au chien, et de ne pas trop aller aux mêmes endroits, car si naturellement (après apprentissage quand même !) il s’arrêtera seulement sur les truffes mûres, à force de passer au même endroit il pointera également des primes encore trop jeunes pour être récoltées, pour faire plaisir à son maître.

Le chien truffier de "Monsieur Paul"

Même s’il ne faut pas le dire trop fort, la truffe et ses arômes ne sont pas dépendants d’un terroir comme le vin peut l’être. Elle a besoin de conditions très particulières (terroir calcaire, drainant, entre 100 et 1000m d’altitudes, etc.) pour pousser mais les différences à l’intérieur de ce cadre ne sont pas déterminantes pour le goût, uniquement la saison et la maturité du champignon.

En manger ? c’est pour ma truffe

Entendre parler de la culture, c’est bien (enfin, soyons clair, c’est même exceptionnel quand c’est Monsieur Paul qui vous explique), mais c’est surtout la manger qui nous plaît. Et heureusement, veinard que je suis, j’ai pu goûter une foultitude de préparations où la truffe a pris place, avec quelques sacrés coups de cœurs et d’autres choses un peu moins heureuses à mon goût. Je vais un peu présenter des accords que j’ai aimés, des entrées au dessert…

S’il y a une hostie que j’accepte de recevoir, c’est bien celle de tuber melanosporum. Rien que pour elle-même, fraîche et croquante, avant de manger, elle éveille les papilles dans un instantané évanescent dont le souvenir immédiat diffus titille l’estomac.

La séance de l'Hostie

La séance de l’Hostie

La truffe se marie très bien avec une crème légère accompagnant des amuses-bouches assez frais, même si ce champignon n’aime pas trop l’acidité. En accompagnement de ce genre de plats, je vois bien un vin blanc rhodanien qui serait servi assez frais, la chaleur de la Marsanne engloberait bien le goût truffé.

En plat ou en entrée, un accord audacieux mais tellement réussi, surtout avec le brio d’Antoine de la Boulangerie Sanilhacoise, est l’association truffe / brandade de morue. Il s’installe un vrai dialogue entre les 2 ingrédients, le champignon soulignant avec beaucoup d’à propos le punch doux de la brandade.

Pour continuer sur les poissons, un autre maître accord est bien sûr le turbot truffé, et tous ses amis gras à chair blanche d’ailleurs. La truffe doit là être utilisée avec la main un peu lourde… Fabien Pagès, un grand chef de la région d’Uzès soulignant d’ailleurs que l’on ne met jamais trop de truffes dans un plat, car si elle est puissante, le goût n’en reste pas moins volatile. Autre accord testé et approuvé, c’est la Saint-Jacques farcie en son milieu de truffe, avec une crème légèrement truffée et aux agrumes, bonheur assuré.

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Il existe évidemment beaucoup de plats de viandes rouges truffées, mais j’ai une préférence marquée pour une volaille noble, le parfait exemple étant la volaille de Bresse en demi-deuil, qui représente pour moi un des plats mythique de la gastronomie, toute tendance confondue. Le veau, dans sa simplicité, est également un accompagnement de choix, toujours sans trop de chichi, avec pourquoi pas une huile d’olive de caractère pour souligner l’accord.

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Il ne faut pas oublier les desserts, qui peuvent révéler des accords surprenants et succulents, comme l’a prouvé cette superbe tropézienne à la crème anglaise truffée, et aussi le sorbet à la truffe, bombe de goût d’une puissance sans nom.

 

Et les concours, là-dedans ?

Certains d’entre vous attendent surtout ça : le retour sur les concours. Tant pour celui des internautes que sur place, les résultats sont tombés, et sont impitoyables…  Tout d’abord, revenons au concours des internautes. Après réflexion, j’ai choisi un commentaire qui m’a quelque peu malmené, mais apportant des pistes très intéressantes par la même occasion, et soulignant certains aspect du plat. Si j’ai beaucoup apprécié le commentaire de Lou-des-Bois qui a je pense le mieux cerné la philosophie du plat, ou d’autres qui ont été très positifs en soulignant néanmoins le petit problème de dressage, j’ai donc choisi comme gagnant « Gros Chapon » qui représente une synthèse, une longue synthèse, d’éléments que j’ai trouvé pertinents. J’ai fait ce choix en mon âme et conscience, et il n’est guère facile de départager les gens.

Et mon concours, me direz-vous ? Ceux qui me connaissent savent déjà qu’il fut difficile, où mon inexpérience a joué dans le fait de ne pouvoir faire face aux impondérables inhérents à ce genre de manifestations et… le résultat fut en-dessous de mes espérences : une crème insuffisamment cuite, une tuile dont le croquant a été mis à mal et une mauvaise adaptation à l’assiette ont fait que le plat a manqué de subtilité, de définition et in fine de plaisir au dégustateur.  Évidemment je ne peux être satisfait de moi, mais j’espère avoir quand même donné le meilleur, donc je n’ai pas de regrets à avoir, juste de la motivation en plus pour faire mieux la prochaine fois.

La gagnante est l’expérimentée « Mamina », blogueuse même avant que je ne sévisse sur les forums, qui a préparé un plat simple, mais extrêmement bien pensé, à savoir une tartine de fromage frais et un bouillon truffé au café. Une victoire amplement méritée car l’apparente simplicité était justement le résultat d’une bien plus complexe réflexion et… il donnait envie de le gouter surtout !

Pour nous tous blogueurs, je pense que ce qu’il faut retenir de ce concours autour de la truffe, c’est que ce magnifique produit doit être magnifié, simplement mais généreusement, par des préparations donnant la part belle au produit…

 Des Sentiments

Je voulais finir cet article en parlant de ce qui m’aura le plus touché durant ce petit séjour : les gens. C’est un peu bateau, mais je n’ai que rarement eu l’occasion d’être si chaleureusement, simplement et humainement reçu que cette fois-ci, et ceci grâce à un petit nombre de personnes. Premièrement, Eve à qui je dois cette très généreuse invitation. Elle a toujours été à l’écoute de nos désirs, et a su se montrer à la fois très présente et discrète tout au long du WE ; avec elle comment ne pas parler de Mary, chez qui nous avons été dîner le premier soir, organisatrice également qui a dû bien peu dormir durant ce WE, sans pour autant perdre le sourire, si souvent rayonnant… Avec elles, il y avait toute l’équipe de l’Office du Tourisme d’Uzès, qui tout au long de l’année organisme évènements sur évènements, et il semble toujours avec autant d’implication.

Eve et les bloggueurs.

Eve et les bloggueurs.

Nos cuistots d’un soir, Anthony et Antoine et Béa de la Boulangerie Sanilhacoise  évidemment, qui nous ont servis dans 2 styles différents tant de préparations autour de la truffe, ouvrant à nos papilles le champs des possibles culinaires du saint champignon, et des divins breuvages dont je reparlerai un peu plus dans un autre billet…

Des personnes rencontrées sur place  également, comme Jean-Louis, le célèbre Suisse d’Alger d’Uzès (il aurait pu être Duc lui-même avec tous ces titres), facétieux jeune retraité à la voix haute et au beau verbe, j’ai beaucoup aimé discuter (un peu) avec lui et partager des moments de tables si conviviaux.

Je finirai par 2 dernières rencontres qui tiennent une place plus particulière…. Tout d’abord Éric, discret mais éminemment sympathique et intéressant mari d’Eve, qui a été d’une disponibilité à toute épreuve aux côtés de son épouse, et qui (oui oui) a bien remarqué ma passion naissante pour la tenue du micro sous chapiteau ; et enfin, Monsieur Paul, trufficulteur de son état, et surtout malicieux hôte, toujours prêt à répondre à mes questions sensées ou saugrenues, et qui par ses gestes et attitudes m’a peut-être plus fait comprendre la truffe que tout autre… Vraiment un homme bien ce Monsieur Paul !

Bref, sincères remerciements à tous les gens qui nous ont accueillis, moi et mes 5 sympathiques comparses blogueurs.

 

 

 

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Quelques adresses :

  • Office du tourisme d’Uzès : Un office très dynamique, qui saura sans aucun doute répondre à toutes vos questions
  • Mas Cruviers : Chambres d’hôtes et gîte tout près d »Uzès, tenu par Thérèse et Monsieur Paul. La vue depuis le jardin sur Uzès est magique
  • Mas du Vinigre : Chambre d’hôte tenue par l’énergique Mary, rénové il y a peu, très joli domaine!
  • Anthony Marandon, chef à domicile : Nous avons eu la chance de gouter un gargantuesque Walking dinner préparé par ce chef, avec de très belles découvertes
  • Boulangerie Sanilhacoise : Superbe boulangerie table d’hôte, où la meilleure brandade de morue que j’ai pu goûter se trouve.
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8 commentaires pour À Uzès, la Truffe : un week-end et une vie

  1. Arlette DELHEZ dit :

    Merci pour tous ces détails, ces photos qui m’ont fait un peu voyagé du côté d’Uzès.
    Arlette

  2. enzo d'aviolo dit :

    si si Jehan, la truffe existe bien toujours à l’état naturel. 😉

    • jehan96 dit :

      Merci de la précision, il m’avait été signifié le contraire…

      Peut-être ils parlaient de truffes destinées au marché?

      • enzo d'aviolo dit :

        oui c’est surement cela. il y a tellement de chênes adaptés dans la nature méditerranéenne qu’on peut en trouver beaucoup, si et seulement si on a un bon chien et qu’on sait repérer les coins 🙂

  3. Nicolas Bon dit :

    Salut Jehan,
    « Je dis bien culture, car elle ne se trouve plus à l’état naturel depuis longtemps, et les truffières sont intégralement artificielles de nos jours »
    On trouve encore beaucoup de truffes sauvages dans la région, pour peu qu’on se donne les moyens de la chercher. Et sa saveur est difficilement comparable à la truffe « d’élevage » (comme toujours…) car souvent plus petite et plus concentré aromatiquement.
    Et la prochaine fois que tu viens si prés de chez moi, fais moi signe 😉

    • jehan96 dit :

      J’y retournerai près de chez vous, ici c’etait un voyage très organisé donc pas de temps ni de moyen de transport, mais on y retournera à coup sûr avec « Mimoune », là on fait signe et je pourrai enfin découvrir le Saint Pic, que tu as déjà si bien conté.

  4. Laurent dit :

    Beau W.E. très joliment conté, la truffe est vraiment un produit exceptionnel que l’on ne mange pas tous les jours du fait de son prix, mais à Noël j’ai pu en cuisiner avec de la St Jacques et une purée de cèleri truffée, ce fut sensationnel 🙂 En tout cas ça donne envie d’aller se balader à Uzès l’année prochaine 😉

    • jehan96 dit :

      Bonjour Laurent!

      On est bien d’accord, on ne mangerait pas de la truffe tous les jours (en condition normale 🙂 ), et d’ailleurs je me permets d’acheter annuellement une truffe noire, toujours avec grand plaisir. Et oui, l’accord avec la Saint-Jacques est vraiment génial!

      Perso, j’y retournerai aussi, vraiment une chouette ville

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